En Norvège, une arche de Noé veille sur les graines de la planète

En Norvège, une arche de Noé veille sur les graines de la planète

jeudi, 27 juin, 2019 à 13:41

.- Par Wahiba RABHI-.

Oslo- Au cœur des paysages escarpés de l’archipel norvégien du Svalbard, une chambre forte est creusée sous des dizaines de mètres dans le flanc d’une montagne balayée par un vent glacial, comme une sorte d’arche de Noé végétale censée protéger les graines de toutes les cultures vivrières de la planète en cas de catastrophe naturelle ou d’origine humaine.

La singularité du site, également surnommé “le coffre-fort de l’apocalypse”, évoque un scénario hollywoodien de science-fiction. Derrière la double porte métallique qui garde l’entrée de la caverne, un long corridor descend en pente douce jusqu’au cœur de la montagne de l’île de Spitzberg, à environ 1.000 kilomètres du pôle Nord.

La chambre forte est cent vingt mètres plus bas, bâtie telle une casemate pour résister à l’épreuve du temps et préserver la biodiversité végétale et tout ce qui reste de dix millénaires d’agriculture.

Le choix de l’emplacement est loin d’être anodin : la réserve mondiale de semences (Global Seed Vault), construite en béton armé, bénéficierait de “conditions géologiques et climatiques propices” à la conservation des graines pendant plusieurs centaines d’années, afin de répondre à d’éventuels besoins pour relancer l’agriculture.

Il y a effectivement de quoi s’inquiéter surtout lorsqu’on sait que 75% du patrimoine génétique alimentaire a disparu, conformément à une étude de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Certains pays ont déjà eu à faire appel à la réserve du Svalbard, inaugurée début 2008. En 2015, celle-ci a été utilisée pour créer de nouvelles banques génétiques au Maroc et au Liban, pays aux climats proches de celui de la Syrie, après que la banque de gènes d’Alep a subi les ravages de la guerre civile. Les graines ont été cultivées et celles issues des cultures ont été rapportées ensuite à la banque mondiale de graines.

Le Global Seed Vault, qui fait office de filet de sécurité pour les quelque 1.750 banques de gènes existant dans le monde, détient la collection la plus diversifiée de graines de cultures vivrières, allant de variétés africaines et asiatiques de maïs, riz, blé, niébé et sorgho aux variétés européennes et sud-américaines d’aubergines, laitues, orge et pommes de terre.

A l’heure actuelle, la réserve contient 985.085 échantillons de semences appartenant à 6.065 espèces domestiques ou leurs équivalents sauvages et provenant de 243 pays à travers le monde, dont le Maroc, selon le centre de ressources génétiques nordiques NordGen, responsable de la gestion du site par un accord tripartite avec le gouvernement norvégien et l’organisation Global Crop Diversity Trust.

Se référant aux mêmes données, la banque mondiale compte environ 8.700 graines en provenance du Royaume du Maroc, qui s’est lui-aussi doté en 2002 d’une banque de gènes centrale, avec le soutien de la FAO afin de préserver son patrimoine agricole et donc ses ressources alimentaires futures.

Le coffre-fort est loin d’être rempli. D’après le Crop Trust, la réserve a la capacité de stocker 4,5 millions de variétés de semences conservées dans des caisses en plastique soigneusement scellées, estampées de noms de pays ou de centres de recherche. Chaque variété contiendra en moyenne 500 graines, de sorte qu’un maximum de 2,5 milliards de graines puisse y être stocké.

La température naturelle de cette chambre froide est de -18 C° degrés. “On a cinq étagères et plein de boîtes dans lesquelles il y a les semences”, décrit Charlotte Lusty directrice des programmes à la Crop Trust, soulignant que “celles-ci sont bien séchées afin qu’elles puissent y rester des centaines d’années”.

Conçu pour résister aux désastres, le grenier de la planète a cependant été lui-même victime du réchauffement climatique il y a moins de trois ans : l’augmentation des températures dans l’Arctique a entraîné une fonte du pergélisol, sol censé être gelé en permanence, qui a provoqué une fuite d’eau à environ 15 mètres à l’entrée du tunnel, sans qu’aucune graine ne soit endommagée. D’ailleurs, l’année 2016 a été la plus chaude jamais enregistrée depuis le début des relevés en 1880.

En 2018, le bunker fait peau neuve. Le gouvernement norvégien a dépensé environ 10 millions d’euros pour réaliser des travaux d’étanchéité et de sécurisation, notamment la construction d’un nouveau tunnel d’accès et l’érection d’un bâtiment de service permettant d’éloigner les sources de chaleur.

Sauf que cet incident a mis en doute la capacité de la réserve à fonctionner sans l’intervention humaine, ce qui était l’objectif initial, d’autant plus que les prévisions faites par des chercheurs en climatologie pour les années à venir sont plus alarmantes.

Un rapport intitulé “Climate in Svalbard 2100”, rendu public en février, prédit que les températures pourraient grimper de 10 degrés en quelques décennies. Une augmentation qui impliquerait des changements dramatiques pour cette région. On assistera à plus de précipitations, d’inondations, d’avalanches et de glissements de terrain lors des années à venir dans les îles du Svalbard.

“Les résultats sont très spectaculaires”, a souligné Inger Hanssen-Bauer, chercheuse principale à l’Institut météorologique de l’État norvégien, lors de la publication du rapport, se disant “fermement convaincue” que la région sera confrontée à des changements extrêmement importants.

Un autre rapport publié l’automne dernier indiquait également que le changement climatique menaçait “sérieusement” le Svalbard.

Depuis des années, les gouvernements norvégiens sont vivement critiqués pour leur refus de contrôler l’importante industrie pétrolière et gazière offshore du pays. Ils se voient attribuer davantage de licences pour plus d’exploration et de production pétrolières et gazières, notamment dans les régions arctiques.

L’accord international sur le climat adopté à Paris en 2015 vise à limiter le réchauffement de la planète de 1,5 à 2 degrés. Pour les chercheurs, une telle ambition nécessitera des changements radicaux dans la société.

Si le monde se bat pour y arriver, ce sera particulièrement visible dans l’Arctique. Dans l’entretemps, le Global Seed Vault continuera de veiller sur les graines de la planète.

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